C'est effectivement une vraie question
Tout récemment, je suis allé au théâtre voir une adaptation de 1984 - Orwell. J'y suis allé avec un à priori très positif, puisqu'un de mes meilleurs amis était sur scène. J'en ressors en formulant la pire critique possible : adaptation inutile. Pourtant le spectacle avait des qualités bien réelles et la masse de travail réalisé pour le créer est visible.
Mais...
Quand j'ai lu 1984, j'avais 16 ans. ça a été une méga-claque dans la gueule, un jalon important dans ma vie de lecteur et dans la construction de mon raisonnement. L'adaptation théâtrale, quoique très fidèle au livre, ne réussit pas à atteindre la même force que le texte original. Pis, le support théâtral se prête finalement mal à la restitution de nombreux passages importants du livre.
Si vous avez lu le livre, la pièce ne vous apporte rien. Si vous n'avez pas lu le livre, avec un peu de chance, la pièce vous donnera envie de le faire, mais plus sûrement, aura échoué à délivrer un ressenti aussi fort que le bouquin et vous dissuadera de le lire. Echec sur toute la ligne.
Et pour revenir à la question : une adaptation devrait être parfaitement indépendante de l'oeuvre originale. Sinon elle sera toujours tronquée, incomplète, voire une trahison ou une imposture. Adapter ce n'est pas toujours possible ni souhaitable : parfois, l'original est tellement fort, fini, entier, qu'il vaut mieux s'abstenir. Toutefois, si on pense avoir trouvé un angle d'approche pertinent, une perspective susceptible de renouveler l'intérêt de l'original, un traitement différent, alors il faut se lancer, à fond, comme si c'était une oeuvre originale.
Ceux qui identifieront la parenté avec une autre oeuvre percevront des codes susceptibles de guider leur appréciation ou leur jeu (s'agissant d'un GN), les autres goûteront à la création proposée sans à priori, et s'ils apprennent la parenté avec une autre oeuvre, pourront être tentés de découvrir l'oeuvre ou l'univers de référence.
Un exemple, à mon sens, d'adaptation réussie, c'est le Roméo+Juliette de Baz Luhrmann. Le texte original, à la virgule près. Mais dans un contexte "actualisé". Celui qui connaît Shakespeare appréciera la mutation du contexte (ceux qui ont vu le film : repensez à la version 2000 de la rapière et de la grande épée (broadsword), ou criera à la trahison s'il a un balai dans le fion et l'ouverture d'esprit d'un plot. Celui qui ne connaît pas aura au moins "vu" du Shakespeare une fois, et pourra se dire que ça reste achtement actuel, donc sera tenté d'aller vers l'oeuvre.