La récente QM me fait revenir sur ce sujet, loin d'être clos (le sera-t-il un jour ?)
Leïla, je pressens que tu vas me mépriser
Dans le cadre du GN, je maintiens que le genre est sans AUTRE intérêt que celui qu'on veut lui donner, en se focalisant dessus dans le cadre d'un jeu qui traite de ce thème, ou à travers la création d'un personnage pour lequel la question se pose.
Je trouve même dérangeante, d'une certaine manière, ton insistance à vouloir considérer le genre comme un paramètre systématique de tout jeu.
Pourquoi :
Si je reconnais bien volontiers une certaine collégialité dans le bon déroulement d'un jeu, je n'oublie pas, en revanche, que le plus souvent l'impulsion créatrice émane d'un groupe plus restreint de personnes (voire d'une seule) qui se donnent du mal pour qu'un projet souvent personnel et signifiant voie le jour. Dans le cadre de tes propres créations, et dans la mesure où tu sembles considérer l'importance transversale du genre, si je devais participer à l'un de tes jeux, je me plierais très volontiers à tes vues, celles-ci s'intégrant dans un projet dont il me semble nécessaire, comme pour tout jeu, d'accepter les codes, même plus, d'y adhérer.
Réciproquement, lorsque je me lance dans une création de jeu, je n'entends pas que quiconque vienne me dire comment je dois écrire mon jeu. J'écris mon jeu. Je l'ouvre au public. Libre au public de s'y reconnaître ou pas, de s'inscrire ou pas. Dans ma démarche de création comme dans ma vie quotidienne, j'accorde très peu d'importance à la question précise du genre. J'entends quels questionnements ce thème peut soulever, j'y suis sensibilisé, je pense jouir d'un niveau d'éducation satisfaisant, et faire preuve d'une ouverture d'esprit plutôt importante. Pour autant, cette question ne m'intéresse pas.
Utilitariste et humaniste, je ne vois aucune bonne raison d'insérer les problématiques sur le genre, l'identité sexuelle, le sexe (biologique) et autres données évoquées plus haut, dans mon jeu, encore une fois sauf si mon jeu traite de ces problématiques, qui demeurent "n'importe quelle problématique". Je prends les gens comme ils sont, je n'entends pas leur imposer un autre questionnement que celui, explicite, sur lequel se base le jeu proposé. Et comme le genre ne m'intéresse pas jusque là, je ne vois pas pourquoi je devrais systématiquement l'inclure dans mon jeu. Je ne préjuge pas des convictions de chacun, je ne filtre pas, je ne discrimine pas. Je crée un jeu, et d'une certaine manière, je l'offre, à des amis autant qu'à des inconnus relatifs à la seule condition que le public se reconnaisse dans les valeurs du projet en connaissance de cause. Quitte à prévoir une étape à l'inscription qui m'assurera que c'est le cas.
Quand des points relatifs au genre ont pu mériter un traitement particulier (quand le jeu était impacté, ce qui ne fut pas toujours le cas, loin s'en faut), il n'y a pas eu pour autant débat. Seulement des décisions et de l'information. Un exemple avec le GN Angst : pour plein de raisons tout à fait justifiées de mon point de vue d'auteur, la proportion de rôles féminins était assez faible ET il était annoncé que les joueuses ne seraient pas à la fête avec les rôles disponibles, qui se caractérisaient le plus souvent par la soumission au pouvoir des mâles et par une discrimination institutionnalisée. Non pas parce que je suis un macho sadique ou rétrograde, mais parce que je voulais une ambiance particulière dont la place de la femme dans la communauté était une composante, parmi d'autres. Je savais comment et je savais pourquoi ces choix de traitement étaient faits. J'y ai réfléchi au même titre qu'une foule d'autres paramètres parce que le jeu nécessitait qu'on y réfléchisse, pas PARCE QUE, pas par défaut ni par habitude.
Les joueuses qui n'ont pas souhaité expérimenter ces conditions s'en portent bien, celles qui ont essayé aussi, si j'en crois les retours. Une poignée de joueuses, par habitude ou par fatigue, ont lancé un début de contestation féministe pendant ce jeu, qui ne s'y prêtait pourtant pas du tout. Elles furent aussitôt vertement reprises non pas seulement par leurs frères ou leurs maris joueurs, mais en premier lieu par leurs soeurs, mères et voisines joueuses. Ceci restera une grande satisfaction. Non pas pour le musellement d'un féminisme déplacé, mais pour le maintien spontané d'un cadre diégétique conforme au projet de jeu. Voilà ma préoccupation en tant que créateur de jeu, bien avant tout le reste.
La façon dont tu cherches à imposer cette problématique (parmi tant d'autres, donc

) est presque insultante, en fait. Il semblerait parfois (je veux bien mettre ça sur le compte des turpitudes de l'expression écrite en ligne) que celui qui exclue cette problématique ne réfléchit tout bonnement pas à son jeu, soit insuffisant, inapte ou grossier. Je crois pour ma part que la sensibilité de chaque auteur est unique, ainsi que chaque démarche créatrice. Comment peux-tu savoir si les créateurs se posent la question, ou pas, ou pour quels motifs ils l'excluent ? Comment et pourquoi porter un jugement aussi sévère sur le processus de création d'autrui, dont tu ne pourras de toutes façons qu'entrevoir quelques fragments visibles et pas l'intégralité ? Qu'est-ce que ça peut changer pour toi, pratiquement, si un jeu donné n'intègre pas cette problématique ? Tu le boycotteras ? Dommage pour toi. Tu le critiqueras sans même l'avoir joué ? Malhonnêteté intellectuelle.
Maintenant, peut-être as-tu subi des jeux où il aurait été pertinent que les auteurs se posent la question, je veux bien le croire. Mais s'il te plaît, ne mets pas tout le monde dans le même panier, ne prône pas des questionnements "systématiques", des thèmes "forcément" centraux ou des points de vue "incontournables", tu es en train de faire ce que tu reproches à Fenriss dans un post tout frais... N'opposes pas à l'arbitraire des réactions et des préconisations qui le sont tout autant.
En ce moment mes créations en cours gravitent, je m'en rends compte à posteriori, sur le thème du pouvoir (au sens le plus politique qui soit, le pouvoir sur la communauté et ses différentes expressions, natures, etc...).
Inversons les rôles un instant : tu écris un jeu sur le thème du pouvoir. Je m'exprime pour te demander d'inclure systématiquement dans ton jeu une lecture orientée de la question, par exemple le pouvoir en ce qu'il a d'oppressant. C'est plutôt transversal aussi, comme thème. Néanmoins, tu pourrais légitimement répondre :
1) de quoi je me mêle ?
2) c'est réducteur par rapport à l'amplitude du thème
3) je n'ai qu'à écrire moi-même un jeu sur ce thème !
4) ce n'est pas l'orientation qui te paraît la plus pertinente