Bonsoir,
Ça faisait un moment que je voulais m'inscrire ici, c'est une bonne occasion de le faire (moi aussi, je débarque de cet obscur réseau social, et comme je dois redimensionner ma photo de profil pour l'adapter à ce forum, hé bien je me présenterai plus tard, na !)
Je vois plusieurs interrogations distinctes dans la question initiale de Lucie :
- la pression sociale due au fait d'avoir des ami.e.s/connaissances qui projettent des comportements sur nous
- la question du dévoilement préventif d'un travail créatif éditorial
- les méthodes d'inscription
Je détaille.
A mon sens, le jeu de rôle grandeur nature est une proposition culturelle au même titre que tant d'autres, comme la littérature, le théâtre, le cinéma, le jeu vidéo ou encore les courses de poneys aquatiques téléguidés par l'intermédiaire de casques de réalité virtuelle.
En ce sens, un GN est conçu pour plaire à un public, tantôt clairement défini et envisagé par les auteurs en amont, tantôt pris en compte en seconde intention. Des fois on va créer un jeu en pensant précisément aux gens que l'on imagine dans la peau des personnages (en les projetant sur nos proches, par exemple), d'autres fois on va juste créer le jeu sans se soucier des individus qui viendront y participer. Cela va probablement définir quel tête aura le jeu au final et je pense que ça doit être pris en compte dans la communication autour du jeu : "Coucou, c'est un jeu sur invitation ==> vérifiez vos MP" ou "Salut, voici le futur mass larp qui va enfin entrer dans le Guinness Book des records : -25% d'€ à l'inscription si vous parrainez dix autres personnes !"
Dans le premier cas, si quelqu'un pense à vous et vous invite, je ne pense pas qu'il faille se sentir gêné d'exprimer un refus. J'aurais tendance à simplement dire non et rappeler que non veut juste dire non (sans remettre en cause quoi que ce soit d'autre). Publier son travail implique tacitement que l'on accepte de s'exposer à la critique, positive comme négative. Un refus de participer est une critique : j'apprécie/analyse ton travail et je juge que ça ne me convient pas. Point.
Libre ensuite à l'auteur de s'en offusquer, de demander des précisions sur le refus ou de juste en prendre note et de chercher quelqu'un d'autre à inviter mais ça ne concerne que lui, pas la personne qui exprime le refus. Que quelqu'un soit convaincu de la qualité de son travail au point de se servir de cette conviction pour mettre la pression à son entourage, c'est une chose : ça doit être très relou et il est peut-être de bon ton de lui faire remarquer (que c'est relou). Pour autant, ça ne me paraît pas intrinsèque au média mais plutôt lié à la personnalité de l'individu en question.
Dans le second cas, il est possible que l'auteur soit tellement au taquet sur son jeu qu'il ait envie que la Terre entière y joue. Je n'y vois pas de mal. Certains vont vraiment vouloir que la Terre entière jouer leur jeu, d'autres que seule la portion de l'Humanité qu'ils vont estimer concerné par leur jeu, c'est variable. Cela va probablement influencer où et comment ils vont en faire la communication.
En revanche, je pense que c'est justement en fonction de comment la communication autour du jeu est orchestrée que l'on peut ressentir une certaine pression sociale. "Viens, j'ai beaucoup bossé sur mon jeu et ça va être super !" et "Viens sinon tu vas rater LE truc de l'année et tu vas t'en mordre les doigts et tes enfants te feront la remarque une fois qu'ils seront nés" ce n'est pas du tout la même chose, par exemple. Je ne pense pas que l'enthousiasme de l'auteur soit à mettre en cause. Au contraire, ça peut être un chouette vecteur d'engouement si on y est sensible. Par contre, je pense qu'il est de la responsabilité de l'auteur de réfléchir à comment il communique son enthousiasme : si par ta communication, tu induis une obligation sociale, même involontaire, elle peut être reprise par les autres personnes de ta communauté, qui vont ensuite mettre la pression à leurs proches et à la fin un joueur peut se sentir obligé de faire un truc qu'il ne veut pas faire (de la même manière que quand on se fait traîner par des potes pour aller voir le dernier Star Wars parce que les publicités étaient trop géniales ou que le Youtubeur machin a dit que c'était bien alors que l'on hait Han Solo parce que l'on est secrètement amoureux de Spock, par exemple).
Après, je nuance parce que les potes relous qui te mettent la pression de leur plein gré, ça existe aussi, hein

Mais bon, je pense que c'est déjà pas mal d'éviter ce genre d'écueil dans notre com.
Dans tous les cas, je suis assez d'accord avec ce qu'a écrit Stan : à titre personnel, je me suis beaucoup laissé porter par les suggestions des mes amis ou de critiques qui laissaient transparaître des choses susceptibles de me plaire, tout comme je le fais pour les bouquins et les jeux que j'achète, les films et les spectacles que je vais voir. Si on me fait remarquer que j'aurai "raté ma vie si je n'ai pas joué XXX à 50 ans", hé bien je dirai simplement que je ne pense pas
Le second point que tu abordes dans ton message initial est pour moi plus lié à la conception que l'on se fait du jeu de rôle grandeur nature (ou en tous cas, du design du jeu sur lequel on travaille expressément). S'il est plutôt "à usage unique", comme un roman policier, un jeu vidéo d'aventure, je peux comprendre qu'un auteur ait peur de dévoiler à de potentiels futurs joueurs ses notes. Je n'approuve pas forcément ce processus créatif mais j'imagine qu'il peut se poser plein de questions du type : "est-ce que ça va l'avantager de connaître l'intrigue en amont ?" ou des trucs du genre. Du coup, soit on précise que l'on ne compte pas le jouer pour telles et telles raisons, soit on se dit intéressé mais que l'on fera abstraction. Et puis filer un coup demain durant le processus de création ne veut pas dire que le jeu sera identique à la fin.
Dans tous les cas, c'est à lui d'être au clair sur ce qu'il demande : tu veux de l'aide, tu identifies un groupe de personnes à qui tu demandes et tu fais une croix sur leur potentielle participation si tu estimes que les risques de "spoiler" sont trop grands.
Enfin, le troisième point semble concerner le comment les orgas valident ou invalident qui participe à leur jeu.
Depuis plus de deux ans, je lis, j'écoute, je prends des notes. J'ai remarqué des tendances, identifié des jeux plébiscités et participé à certains jeux et/ou événements selon mes goûts et les avis des personnes autour de moi. La plupart d'entre-eux étaient des jeux sur inscription libre il me semble, avec tirage au sort si on était trop nombreux. C'est peut-être un choix inconscient, je ne sais pas. Toujours est-il que j'aime bien et que je trouve ça très en phase avec le reste des propositions culturelles que l'on peut trouver dans notre société.
Je n'ai pas d'à priori négatif à propos du GN à casting mais il me semble mettre en lumière en paradoxe :
- je communique sur mon jeu (parce que je ressens un besoin de reconnaissance sociale et/ou de publicité)
- je choisis qui y joue (parce que je ressens un besoin de contrôle sur mon œuvre - collective, certes, mais tout le monde n'a pas forcément cette idée en tête)
Ça peut aussi être un choix de design pour éviter de mettre des gens dans des situations inconfortables (comme sur un GN à fort potentiel horrifique, par exemple), mais ça pose la question de l'autonomie laissée au joueur. Quand je vais au cinéma voir un film, je me réfère à différents éléments comme le titre, le nom du réal, les acteurs, les critiques, la bande-annonce, la classification, des fois rien de tout cela. Je fais la part des choses et je décide si je vais ou non voir un film.
Le GN est certes un média différent mais je pense qu'une personne motivée n'a pas de raison d'être entravée dans son envie de participer à un jeu. Je trouve ça cool que des gens soient entraînés par d'autres. Je pense que leur envie peut être sincère et qu'il ne faut pas avoir peur des phénomènes de publicité / buzz, ni présumer des intentions des gens. C'est un enjeu d'inclusion important que de faire en sorte que les jeux pensés pour être accessible au plus grand nombre soient accessibles au plus grand nombre (car si tu veux faire un GN sur invitation, libre à toi de le faire, la
veG
aN police ne débarquera pas dans ton salon

).
Donc, quid de la pression sociale ?
Je ne vis pas en région parisienne donc je ne connais pas vraiment cette dynamique que vous semblez attacher à la scène romantique de la capitale ou à sa communauté.
Je ne pense pas qu'il faille se sentir obligé par quoi que ce soit.
Pour autant, j'ai quand même l'impression que l'offre est encore limitée par rapport à la demande et qu'elle s'adresse surtout à des personnes déjà intégrées à la communauté, créant une sorte d'entre-soi. C'est relativement compréhensible au vu de l'activité, encore un peu confidentielle en France. Mais ce n'est pas une valeur intrinsèque non plus.
Comme le dit Michael, j'ai l'impression que cette pression sociale est plutôt ressentie par les personnes déjà intégrées à la communauté - pour les autres, les jeux sont tout simplement invisibles (mais ça c'est un autre sujet très vaste

)
Ce phénomène d'entre-soi induit peut-être une certaine pression sociale. En tant que nouveau venu, je n'ai pas l'impression de la subir : je m'en fous d'être invité, d'avoir de la réputation, un statut quelconque dans cette communauté. Je l'ai intégré pour pratiquer une activité culturelle (et pour plein d'autres raisons) et je suis donc sensible à la manière dont on me permet de la pratiquer. Mais je ne m'attache pas à flatter l'ego des gens et/ou ménager leurs sensibilités d'auteurs.
Mais si elle est bien présente, il y a peut-être une réflexion à avoir sur l'identité de cette communauté, sur comment elle se voit, comment elle se donne à voir...