Avec le 5ème Eléphant nous avons organisé un jeu para-historique dont la peur était le ressort principal, jusqu'à son titre : Angst.
Lors de l'écriture, puis pendant le jeu, nous avons résisté à la tentation de matérialiser l'horreur. Notre démarche était d'installer une une sensation de menace, et de laisser les joueurs faire le reste du chemin vers la peur. Déjà, s'agissant d'un jeu para-historique, point de gros monstre épouvantable, l'horreur se nichait ailleurs, dans les situations et les personnages. Ensuite, nous voulions mettre en scène la dégradation progressive de la santé mentale des personnages. Leur environnement de changeait pas, c'était leur perception de cet environnement qui devait changer, altérée par la peur.
Nous avons donc essentiellement suggéré. Il suffit de très peu de choses. Quelques diodes rouges et une bande son "hurlements de loups" qui se déclenchent ensemble lorsqu'on s'approche près de la forêt. Un PNJ "ninja" qui gratte et renifle de l'autre côté de la porte. Une lourde grille qui se referme "toute seule" sur vous juste après que vous soyez entré dans un tombeau lugubre. Ce qui était compliqué, c'était de superviser à tout moment tout le site du jeu pour déclencher ces petites choses à bon escient. Nous fûmes 4 personnes à temps plein pour assurer un maillage convenable. Mais ça a payé au-delà de nos espérances.
A l'inverse, les rares événements un peu plus prévus, davantage scénographiés, ont connu des fortunes diverses. Je pense, au chapitre des grandes réussites, à une scène de cauchemar collectif qui demeura inoubliable pour tous ses participants, ainsi qu'à une apparition démoniaque particulièrement savoureuse. Point commun de ces deux scènes : elles étaient particulièrement stylisées et la source de l'horreur (les éléments du cauchemar et le diable) n'étaient pas réellement incarnés mais suggérés : jeux de lumière dans des écrans de fumigènes, vidéoprojection live, musique d'ambiance, mais toujours pas d'adversité concrète. Les événements moins réussis ont souvent comme point commun d'avoir matérialisé la source de la peur, par paresse, aléa technique / plan B, ou par habitude.
Je vous renvoie à la galerie photo pour juger sur pièces :
Sur ce cliché, par exemple, une scène d'horreur pure pour le joueur, pourtant tout seul dans une pièce avec un projo bien placé. Un orga situé dans une pièce voisine l'observait via une caméra de surveillance. Des hauts-parleurs dissimulés aux quatre coins de la pièce permettaient à l'orga de parler au joueur, avec une voix d'outre-tombe qui se déplaçait dans la pièce.
Même dispositif pour cet autre joueur, un chevalier teutonique qui interroge Dieu, tout seul, dans une salle obscure (et qui ne s'attendait pas à ce que Dieu se manifeste jusqu'à ce que la lumière s'allume). Sensations garanties. Cette fois le volume sur les 4 haut-parleurs était identique pour cerner le joueur.
