Thomas B. a écrit :
Tout à fait. Et j'ai fait confiance à Bross.
Tu regrettes pas ?
Sinon, dans la mesure où j'arrive tard dans le débat et où plein de choses sensées et intelligentes ont été dites, une petite contribution marginale : il y a quelque chose qui me chiffonne, d'une manière générale, dans les possibilités d'offenser qui que ce soit en faisant du GN. Le GN n'est à priori pas militant mais conserve le plus souvent une finalité de divertissement. Quand il inclut une réflexion, c'est plus généralement une cerise philosophique / politique / sociale sur le gâteau ludique. Le GN procède un peu (amha) de la même manière que la SF (voir le débat à ce sujet ailleurs sur le forum) : quand il traite de problématiques IRL, c'est à travers un prisme fictionnel, un biais contextuel, un exercice intellectuel, voire un éclairage esthétique.
En résumé : le GN ne dépeint pas la réalité.
Dans cette mesure, peut-on reprocher quoi que ce soit au contenu d'un GN ? A mon sens, non. Certes, il y a énormément de réserves à apporter, mais globalement, aussi longtemps que tout se fait en transparence, en connaissance de cause, en confiance, on devrait pouvoir tout faire avec du GN. Parce que le GN ce n'est pas la réalité, il rend possible que des geeks obèses et bigleux ne soient justement pas discriminés quand ils entendent jouer le rôle d'un barbare musculeux. Ou pas, en fonction des choix faits en conscience par les auteurs / organisateurs du jeu. Il rend possible de découvrir des cultures, des époques, des mœurs. Est-ce une découverte imparfaite ? Bien sûr ! Qui peut prétendre à une connaissance soudaine et complète d'un domaine donné ?
L'expertise n'est pas le préalable à la pratique ou à l'expérimentation. Aucune légitimité ne conditionne l'acte de créer, encore moins celui de jouer.
De plus : expliquer a priori comme a posteriori des choix contestables ou critiqués par des personnes extérieures au jeu et qui par définition n'ont pas idée du type d'ambiance, du projet de jeu, des intentions des participants du jeu, ça me gonfle. Expliquer, à la rigueur, pourquoi pas. Rendre disponible du contenu pour les éventuels curieux, c'est mieux. Ce qui me gonfle, c'est surtout d'être jugé par des ignorants. Il y a plein de choses que j'ignore, personnellement. Par exemple, je connais que dalle en danse country. Il ne me viendrait pas à l'idée de prendre contact avec une asso de square dance pour leur dire : vous vous déguisez en cowboys de pacotille et c'est offensant pour les indiens, les bisons, le bon goût, les traditions folkloriques bien de chez nous, etc... Dans la mesure où je ne connais ni les intentions, ni la façon de faire, ni le contexte, ni les gens, je me garderais bien d'émettre un avis avant d'avoir participé à cette activité pendant une durée significative. Au terme de laquelle je pourrais éventuellement émettre un jugement, dont je mesure d'avance le caractère incomplet, toutes les assos de danse country ne fonctionnant sans doute pas de la même manière.
OK, la danse country c'est sans doute un sujet beaucoup moins sensible que le racisme. Il n'empêche : la tolérance ça fonctionne à tous les étages. Après quelques échanges avec Thomas, je peux tout à fait comprendre que se maquiller en noir puisse être très mal perçu par d'autres cultures, qui ont d'autres passés, d'autres codes, d'autres tabous. Je peux le comprendre et je l'accepte, avec intérêt, curiosité et respect, et l'envie d'en débattre, d'aller vers l'autre. La réciproque serait la moindre des courtoisies. Sinon c'est que la tolérance n'est qu'à sens unique, auquel cas je n'ai pas une minute à perdre à écouter des personnes qui n'entendent QUE me juger sans un seul instant remettre en question leurs propres a priori.
Un lointain exemple me revient : dans une camarilla (tout le monde a des secrets inavouables) on m'a confié le rôle PNJ d'un ancien nazi complètement caricatural. Dans l'assistance se trouvait (entre autres) un joueur lyonnais, adorable, et noir. Je me rends compte d'ailleurs que je n'ai jamais pensé à lui en tant que noir, mais seulement en tant que lyonnais super sympa, enfin bref. Les différentes situations de jeu nous ont amené, ce soir-là, à un antagonisme très poussé, notamment des propos racistes largement répréhensibles au regard de la loi. Pas une seconde il n'y a eu malaise, ni entre nous, ni dans l'assistance. Parce que le contexte, les personnages, etc... LA FICTION, en somme.
Néanmoins, comme c'est allé assez loin, en cours de jeu j'ai profité d'un moment d'isolement avec ce joueur pour m'assurer que je ne franchissais pas ses limites à lui. Il m'a répondu : tu me dis 1/4 des propos tenus ce soit en dehors du jeu et je porte plainte. La moitié et je te tape. Mais là, c'est cool ! (En cette lointaine époque, le Nord était une contrée inconnue et les mots clés "cut" et "brake" ignorés). Après le jeu, nous avons sympathisé et nous sommes retrouvés au bar pour débriefer ces moments de jeu intenses. Révélation : si le joueur avait adoré nos conflits (vraiment dégueu), en revanche il restait un peu amer car des scènes prévisibles avec d'autres joueurs n'ont jamais eu lieu. Pas par désorganisation, pas par suractivité, simplement parce que, visiblement, certains joueurs n'étaient pas franchement à l'aise en sa présence (alors que leurs personnages mutuels étaient sensés être proches) en tout cas n'ont pas couru après lui pour jouer, possiblement parce qu'il était noir.
Ce ne fut malheureusement pas un cas isolé : depuis 20 piges que j'arpente les routes de France et d'ailleurs pour faire du GN, il y a clairement des publics racistes (quand ce ne sont pas carrément des asso). Des gens merdeux qui font des GNs souvent merdeux dans des ambiances de merde (à moins de partager cet état d'esprit). Curieusement, il ne viendrait pas à l'esprit de ces gens-là de se grimer en noir pour incarner un personnage. Pourquoi ?
Pour ne pas ressembler à ce qu'ils haïssent.
Pourtant, c'est de la fiction ? Se grimer en noir ne fait pas de vous un noir.
Vrai.
Visiblement, les fafs non plus n'ont pas compris ça.
Ça leur fera un point commun avec les [grand moment de vocabulaire politiquement incorrect] .gens. qui crient au racisme en me voyant grimé en noir pendant un GN auquel ils n'ont pas participé.