D'où d'ailleurs mon interrogation avec l'évitement des ateliers dans tes jeux et ceux de Fredou : je suis curieux de savoir ce que vous recherchez en les évitant. A gagner du temps ? De la spontanéité de jeu ?
Est-ce que ce refus (qui ne va pas de soi vu que je crois comprendre que vous mettez en avant des exigences de qualité jeu vis-à-vis des joueurs...ce qui pourrait appeler un atelier) vous amène à modifier votre façon d'écrire, par exemple en réfléchissant aux moyens d'obtenir les mêmes effets sans les utiliser ?
Pour le coup, ce sera très hors sujet.
J'ai posé le scénario du Pouet en 2004, à cette époque, personne en France ne parlait encore d'ateliers. Mais j'avais cette intuition qu'il fallait proposer des moyens pour que le joueur puisse entrer mieux encore dans son personnage et dans le contexte du jeu, avec plus d'enthousiasme, avec une meilleure mémorisation, avec une meilleure chauffe. Sans connaître les ateliers, j'ai développé quelque chose pour cela mais sur d'autres axes. Le premier axe est une plus grande qualité d'écriture du background, loin de la plupart des jeux existant, pour faire en sorte qu'il fasse le même effet qu'un roman passionnant. Avec également une lecture sur place, dans un cadre magnifique, avec une musique adaptée, et le jeu qui commence peu après... La grande émotion des joueurs devant leur back a validé ces idées pour ce jeu. Le deuxième axe est vraiment très spécifique à ce scénario mais disons que c'est une mise en immersion progressive par le jeu, en jeu. Je me souviens d'Emeric qui le vendredi soir en allant se coucher, habité jusqu'ici par son personnage, avec une banane d'enfer, me fait un pouce de la main en me disant "Best atelier ever !" Il avait bien compris que c'était le même objectif, mais tout autrement, c'était déjà le jeu.
Plusieurs choses dont je ne suis pas fan avec les ateliers.
- La première, c'est le consensus mou autour, la mode et la recette que cela finit par devenir. J'aime proposer des choses originales et toujours voir si je ne peux pas faire mieux.
- La deuxième, c'est ce côté très détaché du jeu. Ca me donne l'impression de faire des exercices et ça ne participe pas souvent à mon immersion, ni à mon enthousiasme. Je suis convaincu qu'on peut faire mieux. Par exemple, sur un jeu comme le gang des tarés, il y a des ateliers pour jouer le groupe d'enfants, avant de les jouer 20 ans plus tard en jeu. Quand je l'ai joué, c'était vraiment des ateliers hors-jeu, en rond, avec un bâton de parole, des discours entre chaque exercice. Quand je l'ai organisé à mon tour, j'ai un peu modifié cela. Les ateliers sont devenus pratiquement une première partie de jeu où les joueurs jouaient les enfants non stop, sans bâton de parole, faisant leur propre jeu, sans cette structure hors jeu de l'atelier. Ils ont déplacé les canapés pour faire des radeaux avec, fait des cabanes avec des coussins et des rideaux, c'était une bande de gosse, un truc de dingue. L'immersion a la sortie de cette première séquence de "jeu" était à mes yeux plus intense que lorsque je l'ai joué moi sous forme d'ateliers plus rigides et moins immersifs.
- Troisièmement, je trouve certains ateliers par ce côté exercice hors-contexte plus trash, plus inconfortable, que ne le sera vraiment le jeu sous le couvert du masque et de la situation.
Bref, mon expérience me laisse penser qu'on peut aussi proposer d'autres choses que cela, simplement qu'il ne faut pas cesser de travailler pour proposer des structures de jeux originales et passionnantes. Le pouet, c'était avant que les ateliers apparaissent en France. Mais sur "A l'heur des corbeaux", j'ai à nouveau conçu le jeu avec une structure originale et très spécifique pour la mise en immersion. Ca marche du feu de dieu, bien mieux à mes yeux que ne l'aurait été l'application d'une "recette d'ateliers".