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Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mar. 3 déc. 2013 18:34
par Bross
Je comprends et j'apprécie que tu aies développé sur ce sujet. J'aurais tendance à penser que ton cas demeure marginal, car la reconnaissance internationale n'est sans doute pas un objectif largement partagé par les organisateurs de GN, je demeure néanmoins dubitatif sur les réactions hostiles. La com' peut être maladroite, mais au moins existe-t-elle, témoigne-t-elle d'un effort pour faire connaître, dût-elle heurter certaines convictions.

Ce que tu as fait c'est quand même mieux qu'une vidéo de GN russe où des mecs se lattent la gueule et tombent du haut de palissades improvisées en full plate ! :D

Pour en revenir à l'appropriation et au sujet initial, ainsi que pour nuancer mes propos précédents : le GN permet de tout faire, mais... on n'est pas obligé de mettre les pieds dans le plat consciemment quand on s'attend à soulever des polémiques lourdes et qu'on n'a pas envie de se justifier. Exemple : avec quelques amis, on a un projet (au sens, qui ne verra sans doute jamais le jour, mais avec Tohu-Bohu, on se sait jamais ;-) ) de GN autour du thème de l'esclavage et de l'oppression, au sein de ce qui pourrait fortement ressembler à une plantation coloniale.

Pour plein de raisons, notamment techniques (j'y reviendrais), nous sommes arrivés à la conclusion que toute historicité serait bannie de notre jeu. Ainsi, la couleur de l'esclave ne sera pas le noir, mais le bleu. Le monde se sépare entre bleus esclaves et non-bleus esclavagistes à divers degrés. Pourquoi ?

1) le propos du GN n'est pas d'explorer la condition des noirs dans un contexte historique précis mais l'esclavage et l'oppression d'une manière plus générale, dans un univers totalement fictif conçu spécifiquement pour ce jeu là, qui n'entend pas faire de la psycho sociale de terrain mais s'inscrire dans une démarche plutôt littéraire voire esthétique.
2) le propos du GN est aussi d'explorer le thème universel de l'émancipation. Pas l'émancipation de l'esclave noir, mais celle de tout individu possible : par rapport à sa famille, à son groupe social, sa religion, son mode de vie.
3) c'est super relou d'imposer un maquillage crédible à plusieurs dizaines de joueurs, il nous faudrait une équipe de maquilleurs à temps plein dont nous ne disposons pas des services.
4) plein de joueurs ne seront pas prêts à subir ce maquillage quand bien même le thème du jeu les intéresserait.
5) notre jeu prévoit des changements possibles de condition, d'esclave vers la liberté et inversement. Ce n'est pas la couleur de peau qui nous intéresse, mais l'appartenance à une classe asservie ou dominante.

Donc, si nous avons besoin d'un signe qui conditionne socialement (esclave ou pas) un personnage donné, nous n'avons pas besoin d'en faire un noir. Nous choisissons donc une autre couleur, et nous laissons les joueurs concernés choisir s'ils afficheront la couleur bleue par du maquillage, des tatouages, des vêtements, etc...

Pour le coup, j'ai très envie de communiquer à l'international sur ce jeu. J'aimerais bien voir les réactions. Pour être honnête, j'aimerais bien voir à quel point elles seront hypocrites et dictées par le politiquement correct (de mon point de vue français / libertaire / emmerdeur). Mais bon, ce n'est pas constructif, comme réaction, c'est même très mauvais esprit ;-) et de toutes façons la proba que ce jeu voie le jour est faible.

Ce qui m'amène à penser que le vrai problème (je suis concerné, voir le paragraphe ci-dessus)) de l'appropriation, c'est le jugement, voire le préjugé. Un peu d'ouverture d'esprit et de curiosité suffiraient pourtant à créer le dialogue là où le conflit prend souvent le dessus...

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 00:27
par Thomas B.
Ca y est le dialogue en privé est reparti quand je leur ai proposé de les mettre en contact avec le GNiste métis du coin si ils estimaient mon point de vue biaisé.

Y a du boulot d’explications énorme, à commencer par expliquer qu'on n'a pas la même histoire etc. J'ai commencé, et on se rend bien compte qu'un vrai calque de leur culture sur la notre, forcément des fois ça superpose pas.

Honnêtement la reconnaissance internationale je m'en fous. Par contre voir mon nom sali, potentiellement par des gens que je croise dans des conventions que j'apprécie, et où je compte revenir ça me dérange déjà plus. Et devoir passer des heures sur un sujet qui n'était pas le sujet du GN me dérange encore plus. Le vrai souci c'est le fait que le message a été perdu dans la masse de mes messages, et que les critères de communication à l'international sont très différents de ceux entre francophones.

Donc un seul conseil si tu mènes ton projet "bleu": pas de com' à l'international avant d'avoir boulonné une campagne à la fois simple et efficace, donc autant de boulot en com' qu'en orga :)

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 04:10
par JorisKB
Thanos a écrit :Après un maquillage, ça peut être très bien fait. Je me souviens de Joris sur le Chicago, ça rendait vraiment bien sans faire caricatural. Après, je ne sais pas ce que donnerait un maquillage d'un noir en blanc, mais j'imagine qu'on doit pouvoir y arriver.
Juste pour parler de ça deux minutes.
Le personnage que j'incarnais sur le Chicago était noir.
Nous étions 2 à jouer des noirs sur ce GN.
Il n'y avait aucun joueur noir.
Nous étions maquillés. Grimés.

Mon personnages avait plusieurs casquettes, essentiellement 3 pôles :
Politique
Artistique
Romantique
(et aussi un peu familiale, l'autre perso noir du jeu étant une de mes sœur, une autre sœur étant née avec la peau assez blanche pour se faire passer comme telle)

Mon personnage avait fait des études en politique et était conseiller auprès du maire. Être noir posait un problème intéressant dans ce contexte.

Mon personnage était danseur de claquettes. Il a fallut que j’apprenne, et c'est ce qui a participé la construction physique du personnage (démarche, postures, etc.). L'idée n'était pas de jouer un noir, mais de jouer un danseur de claquette noir des clubs des années 30. Inspiration essentiellement issue du film Cotton Club. Donc pas d'atelier de cours de posture noire, mais 2 mois de cours de claquette, et l'inspiration d'un personnage de film : Sandman Williams, interprété par Gregory Hines

Mon personnage avait plusieurs intrigues amoureuses, avec des femmes blanches, dont certaines avec un status social relativement élevé.

La grimage étant indispensable. Il ne s'agissait pas de jouer "un noir", mais de jouer un personnage complexe, dont la couleur de peau participe à la complexité, à la fois pour son histoire personnelle et pour le contexte dans lequel il évolue.

Le maquillage devait être pas trop mal réussi, vu que les gens ne me reconnaissait pas immédiatement. Certains même ne m'ont pas "vu" sur le jeu.
Le racisme a été moins joué par les joueurs que ce à quoi je m'attendais (les PNJ étaient plus à l'aise avec ça). Mais le racisme a également fait parti du jeu pour les limites qu'il impose au personnage (s'afficher avec une blanche n'est pas anodin, avoir ouvertement un poids politique en dehors de sa communauté, non plus. La partie artistique était plus simple à ce niveau).

Il n'y avait pas d'enjeux sur ce rôle d’expérimenter quoi que ce soit de réel, vu que chaque joueur est dans un personnage, il n'y a pas de vrai racisme à attendre de toute façon, donc on n'est jamais parti du principe qu'on allait vivre l’expérience d'un vrai racisme, ça aurait été crétin. De toute façon, les grimages ne se voulaient pas trompeur, aussi bien qu'on ai pu s'y prendre, on voyait bien qu'il s'agissait d'un maquillage.
Il s'agissait juste de créer un personnages avec ses antagonistes, la couleur de peau en étant un difficilement esquivable, et de participer au contexte du Chicago des années 30 en présentant un petit peu de diversité sur le jeu (l'absence de joueurs noirs ayant été une vraie problématique pour les orgas).

à aucun moment ne s'est posé la question de savoir si ça pouvait être vécu comme quelque chose de raciste. Est-ce que jouer quelque chose qu'on n'est pas peut porter atteinte à la sensibilité des personnes qui le sont réellement ? si on part sur ce type de considérations, on ne fait strictement plus rien.
En plus de 4 ans, en comptant le jeu et les photos qui circulent, on ne m'a jamais fait de remarque à ce sujet (à part une illuminée il y a quelques jours).

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 10:08
par lucieXperience
JorisKB a écrit : à aucun moment ne s'est posé la question de savoir si ça pouvait être vécu comme quelque chose de raciste. Est-ce que jouer quelque chose qu'on n'est pas peut porter atteinte à la sensibilité des personnes qui le sont réellement ? si on part sur ce type de considérations, on ne fait strictement plus rien.
En plus de 4 ans, en comptant le jeu et les photos qui circulent, on ne m'a jamais fait de remarque à ce sujet (à part une illuminée il y a quelques jours).
Je rebondis là-dessus : je pense que ce n'est jamais mal de se poser la question, même si on décide finalement de le faire quand même. Je trouve que ce n'est pas une bonne chose de balayer le problème d'un revers de main. Et je dis ça alors même que j'aime les blagues racistes entre amis et que j'ai participé à l'organisation d'un GN colonialiste extrêmement douteux et qui aurait très bien pu être critiqué et taxé de raciste. Ce qui m'amène au second point.
Je trouve que l'absence de questionnement, en France, sur le blackface montre surtout que la plupart des GNistes (moi la première) ne pensent pas au racisme parce que c'est une question assez éloignée de leur vie. Notre GN colonialiste (clichés Banania et compagnie) n'a soulevé aucune question relative au racisme. Les GNistes français n'y ont même pas pensé, et je ne trouve pas ça forcément bien (et j'ajoute qu'on a été les premiers à ne pas évoquer cette question, ce qui était mal).

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:16
par Thomas B.
Merci pour ton expérience Joris, c'est intéressant j'avais pas suivi le truc.
JorisKB a écrit :à aucun moment ne s'est posé la question de savoir si ça pouvait être vécu comme quelque chose de raciste.
Pour moi la question s'est posée immédiatement quand Bross a fait sa demande, et ma réponse a été réfléchie.
Est-ce que jouer quelque chose qu'on n'est pas peut porter atteinte à la sensibilité des personnes qui le sont réellement ?
Pour moi la réponse est oui. Est ce que ça le fait automatiquement la réponse est non. La question est surtout: est-il acceptable de jouer une personne victime de discrimination quand on n'est soi même pas victime de cette discrimination? C'est le débat que je suis en train d'avoir avec les américaines.
si on part sur ce type de considérations, on ne fait strictement plus rien.
On peut en débattre, y réfléchir sans s'auto-censurer. Je refuse que mes GN joués dans le pays X soit définis par la culture du pays Y parce que ça pourrait les énerver. Mais je comprends bien que ça puisse poser problème et je comprends que je dois en discuter avec, expliquer etc.
lucieXperience a écrit :Notre GN colonialiste (clichés Banania et compagnie) n'a soulevé aucune question relative au racisme. Les GNistes français n'y ont même pas pensé, et je ne trouve pas ça forcément bien (et j'ajoute qu'on a été les premiers à ne pas évoquer cette question, ce qui était mal).
Euh, c'était pas un hoax ce truc? Il a vraiment eu lieu?

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:17
par lucieXperience
oui c'est un vrai jeu.

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:36
par Baptiste
non ce n'est pas une blague. le GN a bien eu lieu.

Et le jeu a été écrit pour tester une méthode d'écriture avec un temps limité de 8 heures pour 8 personnages. Du coup j'aime autant vous dire que les questions sur le racisme ont été traité trop rapidement. Le GN a été écrit par des blancs, pour des blancs, faute de joueurs noirs.

Le GN se passe dans une colonie française et les personnages sont des blancs pourris jusqu'à l'os et avec une philosophie michel sardou "le temps bénis des colonies". Il méprise les "nègres" bien évidemment et sont tous des affreux.

Durant le GN ils étaient entourés par des serviteurs noirs (joués par des blancs grimés).
Durant la première partie du jeu, ces noirs donnait une image conforme à celle que les personnages avaient des "nègres". Les PNJ avaient par exemple pour consigne de changer de nom régulièrement pour faire comprendre aux colonialiste qu'ils les confondaient les uns avec les autres, incapables de faire la différence entre deux noirs.

Dans la seconde partie du jeu, le pays se révoltait contre les oppresseurs blancs et ces derniers étaient donc menacés d'être découpé à la machette par les révolutionnaires.

L'ambiance était hyper burlesque, les personnages affreux, stupides et méchants, avec un propos anti-colonialiste.

Il y aurait beaucoup à dire sur les clichés utilisés, sur le fait que la réflexion su le racisme a été menée à l'arrache vu le temps pris pour écrire le jeu. Le plus choquant étant sans doute le fait que personne parmi les joueurs, orgas ou personne ayant lu des comptes rendus du jeu, n'ait soulevé la question par la suite ou ne se soit offusqué.

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:42
par Thomas B.
Ah j'avais pas compris. Suis retourné sur l'article d'electro-gn. Clairement ce jeu me pose problème. Terrain très très casse-gueule, et clairement pas approprié pour un jeu écrit aussi rapidement.

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:46
par Sam
Le racisme, s'il est traité avec intelligence peut donner des choses très belles en terme d'histoire. L'essentiel c'est d'éviter la caricature quelle qu'elle soit.

Si je suis joueur et qu'on me file un perso "Michel Sardou", ça va me gonfler. Mais si je reçois un Edward Norton dans American History X, un personnage violent mais qui peut sortir de son cadre et évoluer vers autre chose, ça passerait mieux.

Et faut avoir un contrat social clair entre orgas et joueurs et entre joueurs aussi. Donc ateliers, ateliers, atelier !!!

Re: QM119 : "L'appropriation culturelle"

Posté : mer. 4 déc. 2013 11:57
par JorisKB
Thomas B. a écrit : On peut en débattre, y réfléchir sans s'auto-censurer. Je refuse que mes GN joués dans le pays X soit définis par la culture du pays Y parce que ça pourrait les énerver. Mais je comprends bien que ça puisse poser problème et je comprends que je dois en discuter avec, expliquer etc.
A quel moment ça s’arrête ?
Jouer une gueule cassée en 1920 ?
Jouer un juif en 42 ?
Jouer un ancien collabo en 46 ?
Jouer un seropo en 88 ?
Jouer un indien d’Amérique n'importe quand après le 17ème siècle ?
Jouer un homosexuel ?
Jouer un moche ?
Jouer un vieux ?
Jouer un handicapé ?
Jouer un alien dans un GN star wars impérial ?
etc.
etc.

Tout ça, on n'aurait pas le droit à moins de réellement subir cette condition ? c'est complétement con.

La question du racisme sur le fait de se grimer en homme de couleur ne s'est pas posée car elle était de toute façon complétement hors de propos. Tu joues un vieux tu te grimes en vieux, tu joues un orc tu te grimes en orc, tu joues un indien tu te grimes en indien, tu joues un twilek tu te grimes en twilek, tu joues une femmes tu te grimes en femme, tu joues un estropié tu te grimes en estropié, tu joues un black tu te grimes en black. Pour moi ce n'est pas plus compliqué que ça.

Le truc du blackface aux US, ce n'est pas une insulte, un acte raciste, c'est un tabou. ça n'a strictement aucune portée philosophique ni intellectuelle, c'est juste une limite de la bien-séance liée à un truc très local et particulier de leur culture.
Si grimer ou ne pas se grimer pour un GN ne changera strictement rien à la question du racisme, où que ce soit dans le monde.