Lila a écrit :le GN c'est aussi un moment social avec des vrais gens.
Dimension largement sous-estimée à mon avis, ET par les organisateurs ET par les joueurs. Dans la continuité des différents propos que j'ai pu tenir ou écrire sur la nécessaire qualité conventionnelle* d'un jeu réussi, et dans la mesure où il apparaît pour le moins fastidieux, voire impossible, de définir exhaustivement ladite convention, restent notamment les rapports humains, le ressenti, les affinités éventuelles, la communication non-verbale et l'intuition pour décider instantanément de la bonne conduite à tenir pendant le jeu, ceci sans bris d'immersion. Ce qui suppose que les personnes en soient capables, et déjà même désireuses. Quand on ne connaît pas les gens et qu'on est dans le stress d'un début de jeu, on a vite tendance à considérer son prochain comme un objet, pas comme un partenaire. Quand on est venu pour winner le GN, je n'en parle même pas.
Si le hors-jeu fait effectivement partie de la convention, alors il ne pose aucun problème. Sinon, il faut travailler à ce qu'il n'en pose pas, donc qu'il n'existe pas. La densité, la dynamique et la cohérence du jeu sont, comme le soulignait Gilles, des prérequis inévitables, intrinsèquement liés à la qualité et la continuité de l'immersion. Tout ça ne se décrète pas, mais peut s'atteindre si on s'en donne les moyens.
Je ne comprends pas comment des joueurs peuvent être dans un état d'écoute et de dialogue efficaces en commençant le jeu un vendredi soir en sautant de leur voiture comme des parachutistes après une semaine de taf, la sortie des bureaux, la route et autres aléas pré-GN.
Je ne comprends pas non plus comment des organisateurs peuvent se tirer une balle dans le pied en ne prenant pas le temps d'installer une atmosphère propice, détendue, de bienvenue**, de convivialité, quand ils ont prévu que les joueurs soient opérationnels 1 heure après leur arrivée sur site.
De la même manière un temps hors-jeu APRES le jeu peut être très utile, aussi bien pour dissiper les éventuels conflits / incompréhensions que pour partager l'expérience avec les vrais gens, et prendre le temps d'enlever le masque du personnage.
Le hors-jeu survient quand la convention ou l'environnement (physique, social ou narratif) du jeu ne proposent plus de réponses aux questions que peuvent se poser les joueurs. Soit on travaille à ce qu'ils n'aient aucune question à poser (convention parfaite), soit on prend le temps de leur donner les réponses. Voire, on leur donne la trousse à outils qui leur permettra de répondre de façon autonome à leurs propres questions. Que ces outils soient référentiels, conventionnels, développés en atelier, narratifs, sociaux ou mêmes arbitraires importe peu : avant de pouvoir jouer ensemble, avant de pouvoir jouir ensemble, quelques préliminaires ne sont pas facultatifs.
Les autres termes que j'ai pu lire plus haut ne sont pas innocents : il faut briser la glace et s'échauffer, se chauffer, pour démarrer ensemble, oui, mille fois oui. Un minimum de synchronisation, d'écoute, d'attention envers l'autre semble s'imposer si on veut jouer/jouir ensemble.
PS : je sais, ça fait plusieurs fois que je substitue ou que j'accole jouir à jouer, mais c'est étymologiquement pertinent d'une part, et d'autre part, plus je le fais, plus le parallèle me paraît évident.
* au sens de pacte, pas au sens de normal, habituel
** point soulevé par Lila dans une autre discussion et qui me paraît très très pertinent. Froidement, je dirais que la sensation d'être bienvenu crée une forme de dette au bénéfice de celui qui accueille. Le sentiment d'être redevable est un ressort parfait pour se mettre en situation d'écoute, de disponibilité, en toute humilité.