QM 103 : l'inspiration

[Graziella]

Petite anecdote d'orga
Je me souviens quand nous regardions la série The Shield, notre entourage (au sens large du terme) préférait des séries comme Lost ou Dexter.
Un jour, nous nous sommes décidés et nous avons commencé à écrire notre GN dans la perspective de "Tu as aimé le GN, tu vas adorer la série"
Nous utilisons des "ficelles" via les docs de jeu, les personnages, un teaser vidéo en relation avec les jeux, les intrigues, dernièrement les ateliers pré-GN et l'introduction de méta-techniques dans les règles pour mettre les joueurs au même niveau qu'ils soient "geek" ou pas de la série.
Pour finir notre récompense est lorsqu'un joueur nous dit qu'il va se plonger dans la série!

Donc majoritairement, nous (les gnistes) faisons des GN avec des références.
Je pense que le contemporain ou des GN avec des thèmes réalistes, comme par exemple le GN Roméo et Juliette,peuvent ouvrir le GN à des joueurs n'ayant pas toutes ces références que l'on appelle "geek"

PS : D'ailleurs j'ai trouvé que Roméo et Juliette manquait un peu de tentacules à mon goût

[Joaquim]

Mais bon, une fois encore, ça reste de la pure opinion personnelle, et sans doute qu'avec ça Joachim va finir par comprendre pourquoi il vaut mieux que je me contente d'écrire des scénars, et pas de théoriser.

Tout au contraire, c'est très intéressant, justement parce que c'est une opinion personnelle.
D'ailleurs, je ne suis pas d'accord avec tout (mais tu dois t'en douter), mais je n'ai malheureusement pas le temps de répondre plus en détails.

[Lila]

@ Muriel : je ne comprend pas comment on peut vivre au premier degré les émotions d'un personnage, qui ne sont donc pas les nôtres. Bon, je caricature un peu, mais pour moi ça s'apparente quasiment à de la schizophrénie.
Que l'on puisse avoir de l'empathie pour son personnage, comprendre ce qu'il ressent sans le ressentir soi-même (distanciation), c'est de ça dont tu parles ? Intellectualiser les sentiments d'un personnage que l'on comprend pour en garder nous joueurs quelque chose, j’appellerais toujours ça le bleed out, moi.

[Thomas B.]

@ Muriel : je ne comprend pas comment on peut vivre au premier degré les émotions d'un personnage, qui ne sont donc pas les nôtres. Bon, je caricature un peu, mais pour moi ça s'apparente quasiment à de la schizophrénie.

Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris mais pour moi on ne peut les vivre au premier degré que quand *et* le personnage *et* le joueur vivent un truc similaire. Exemple typique, la peur. Faut faire flipper le perso et le joueur pour que ça marche.

C'est aussi pour ça que je fais peu ou pas de GN à chouine: faire pleurer mon perso oui, mais me faire pleurer moi j'aime pas ça. Pour la chouine, j'ai la vraie vie.

[Lila]

Ce que tu dis sur la peur, c'est pareil que sur la chouine pour moi. Je ne pleure et n'ai peur en GN que parce que je sais que c'est un GN. Je peux être émue, touchée, mais j'ai toujours un cadre pour ça. Avoir peur (vraiment peur) ce n'est pas plus cool que pleurer dans la vraie vie.

[Thomas B.]

Avoir peur (vraiment peur) ce n'est pas plus cool que pleurer dans la vraie vie.

Je vois ça comme l'équivalent d'un grand 8 ou autres montagnes russes: de la peur réelle mais contrôlée, gentille etc. Mais je comprends tout à fait le fait de ne pas trouver ça cool, vu que je trouve les larmes réelles mais contrôlées, gentilles etc pas du tout cool.

[Lila]

Non c'est pas cool.

[Gilles]

Il y a pas mal de recherches en psychologie sur les émotions et notamment sur les émotions projetées (à travers un personnage), les émotions directes, les émotions feintes ou encore les émotions encadrées (comme dans un grand huit). On trouve même des travaux sur les émotions déplacées : ressentir des émotions qui viennent en masquer d'autres, différentes dans leur nature et souvent plus lourdes.

Je tâcherai de faire un petit topo sur ce qu'on peut trouver dans le GN, mais pour revenir à une question plus haut: les différences entre émotions et sentiments se situent

- dans l'amorce: une émotion est basée sur la irruption dans le champ perceptif d'un stimulus à un instant T tandis qu'un sentiment peut exister sans stimulus.
- dans la complexité du sentiment par rapport à l'évidence de l'émotion. Le sentiment procède d'une concaténation d'émotions qui le rend souvent difficile à définir. D'autant plus que très souvent il s'agit d'émotions refoulées.
- dans la différence d'échelle temporelle: on ressent une émotion quelques instants au plus, tandis qu'on peut éprouver un sentiment de longs moments.

Sinon, sur le "bleed" et compagnie : quand on colle aux émotions de son personnage et qu'on les éprouve, ce n'est pas de l'empathie: c'est de la sympathie. Il n'y a plus de distance entre soi et l'autre.

Cette distinction peut être amorcée et amplifiée par la manière dont sont présentés les choses/persos/mises en scènes/mises en situations, mais au final cela ne dépend que de la posture du joueur: il adhère ou il garde une distance.

[lucieXperience]

Je viens de tomber sur un passage dans le bouquin que je lis en ce moment qui m'a fait penser à ce sujet :

Dans la tragi-comédie, qui se rapproche de ce que l'on appellera plus tard la littérature populaire, les attentes du public, favorables à des effets de surprise, ont leur correspondant dans la structure du genre.

[Thomas B.]

Je viens de tomber sur un passage dans le bouquin que je lis en ce moment qui m'a fait pensé à ce sujet :

Dans la tragi-comédie, qui se rapproche de ce que l'on appellera plus tard la littérature populaire, les attentes du public, favorables à des effets de surprise, ont leur correspondant dans la structure du genre.

Effectivement ce côté "littérature de genre" nous rapproche de la question de la geekitude en GN. J'appelle toujours l'émission "Mauvais Genres" sur France Cul "L'émission des vieux geeks". Et comme cette histoire de surprise semble intrinsèque au genre, ça nous amène à la vraie fracture entre GN Nordique et GN continental: la transparence! Et comme c'est un autre sujet, donc QM!

"Est-ce que les surprises (événementiel, découverte de secrets sur les persos etc) font partie intégrante de la définition du GN? Si non, est-ce qu'elles sont quand même une source de plaisir pour vous? Si vous avez déjà fait un GN transparent (où tout le scénar et les persos sont donnés à l'avance), qu'est-ce qui vous a plus, qu'est-ce qui vous a déplu?"